César 2021: Isabelle Adjani, Caroline Fourest et Rachel Khan mettent en garde contre «une nouvelle forme de censure»

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Les trois femmes signent une tribune dans le magazine Ellelivrent leur vision du cinéma, qui doit rester «universel».

De gauche à droite, Caroline Fourest, Isabelle Adjani et Rachel Khan refusent de laisser l'art entre les mains de la censure et du communautarisme.
De gauche à droite, Caroline Fourest, Isabelle Adjani et Rachel Khan refusent de laisser l’art entre les mains de la censure et du communautarisme. Villette Pierrick/Avenir Pictures/ABACA / Domine Jerome/ABACA / Witt Jacques/Pool/ABACA

«Aucune cérémonie ne pourra jamais représenter la polysémie du cinéma. […] C’est la subtilité même de l’art, sa magie, qui nous a manqué à cette soirée des César, où seuls les disparus et les images du passé semblaient garder le don et même l’envie de nous enchanter.» C’est le – triste – constat posé par Caroline Fourest, Isabelle Adjani et Rachel Khan, dans une tribune parue le 18 mars dans les colonnes du magazine Elle . Réagissant à la cérémonie des César, qui a brillé par son caractère revendicatif et identitaire, les trois femmes ont pris la plume pour mettre en garde le cinéma français – et la culture plus généralement – contre le sectarisme ambiant.

 

 

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Pourtant, «les votants de l’Académie ont su récompenser de vrais espoirs, des genres de films très différents», laissant entrevoir un espoir pour le septième art, durement touché par la crise sanitaire. C’était sans compter sur la posture victimaire et communautaire adoptée par certains acteurs: «À de vraies exceptions près, c’est l’émotion qui fuyait, laissant flotter le sentiment d’un entre-soi où l’on ne s’adressait qu’aux siens, sans vraiment parler aux autres», signent Fourest, Adjani et Khan au sujet des prises de position des uns et des autres durant la soirée. «Chacun ou presque est venu livrer le monologue qu’on attendait de lui. Comme s’il fallait parler de “ses causes” à “sa communauté” ou à “ses followers”. Comme s’il devenait impossible de trouver les mots qui s’adressent à tous. Comme si le cinéma ne savait plus rassembler.»

Censure

Et de (re)poser l’éternelle question que ceux qui furent choqués par le spectacle du 12 mars. Avec de tels discours, avec de telles exhibitions – aussi bien au sens propre que figuré -, avec un tel «égotisme» pour reprendre un terme stendhalien, «comment donner envie de rouvrir les salles pour s’y retrouver ?»

Au-delà du cinéma, c’est l’art et la liberté qui sont en proie au sectarisme et à la «cancel culture» (culture de l’annulation): «En trois heures trente, nous avons entendu parler de tous les maux du monde qui agitent les réseaux sociaux, mais bien peu de liberté d’expression et de création, pourtant menacées.» Un sujet bien maîtrisé par Rachel Khan, elle-même lâchée par l’association Hipo-Hop La Place, qu’elle codirige, après ses déclarations au Figaro au sujet de son ouvrage Racée. «Une nouvelle forme de censure monte, continue le manifeste. L’intimidation et l’assignation grignotent nos libertés d’écrire, de traduire, de dessiner, de réaliser ou d’interpréter. Faut-il être gay pour réaliser un film sur une histoire d’amour entre hommes ? Noire, jeune et américaine pour traduire une jeune poétesse afro-américaine ? Blanc pour interpréter un gentleman cambrioleur fan de Lupin ? Avoir la même identité qu’un personnage pour le jouer ?» Un impératif auquel les auteurs ne croient pas.

Résistance

«Nous ne voulons pas d’un monde où chacun se doit de parler au nom de sa communauté, et uniquement s’il est “concerné”, poursuivent-elles, arguant que la «beauté» et la «noblesse» du cinéma résident, justement, dans le fait de «se mettre dans la peau d’un autre», dans la transcendance des «appartenances pour jouer une partition personnelle, qui émeut au-delà de soi». «Quels que soit sa couleur, sa religion, son sexe, son genre, sa sexualité et les milles facettes qui forgent son identité», détaille le texte.

«Cette émotion fourmillante, sans frontières, un cinéma libre de tout imaginer, sans plafond ni parcours obligé», les auteurs brûlent de les «retrouver en salles», ainsi que les quelque «cent cinquante films français» qui «attendent de nous conter une histoire à la fois singulière et universelle». Afin, concluent-elles, «de rire, de pleurer, et de rêver ensemble».

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