Attentat de la rue des Rosiers: 38 ans après, l’espoir d’un procès

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ENQUÊTE – Un des tueurs présumés, Walid Abdulrahman Abou Zayed, 62 ans, a été extradé de Norvège vers la France où il a été mis en examen pour «assassinats» et «tentatives d’assassinats» et placé en détention provisoire en l’attente d’être jugé. Saisie de deux potentielles irrégularités, la cour d’appel de Paris a finalement validé la procédure.

Les secours interviennent le 9 août 1982 après l’attaque à la grenade et à l’arme automatique au restaurant de Jo Goldenberg, à Paris. On déplorera six morts. JACQUES DEMARTHON/AFP

Plus de trente-huit ans après l’attentat antisémite du 9 août 1982, qui fit 6 morts et 22 blessés, l’affaire de la rue des Rosiers vient de connaître un coup de théâtre et un énième retard. Le 4 décembre, un des tueurs présumés, Walid Abdulrahman Abou Zayed, 62 ans, était extradé vers la France par la Norvège où il vivait depuis 1991. Attendu par la justice française depuis 2015, il a été mis en examen pour «assassinats» et «tentatives d’assassinats» et placé en détention provisoire. Mais le juge chargé de l’enquête a aussitôt saisi la cour d’appel de Paris d’une possible erreur de procédure: l’interprète en langue arabe n’a pas signé le document notifiant ses droits au suspect.

 

Plusieurs mois plus tard, la cour d’appel de Paris a finalement rejeté mercredi 14 avril cette source potentielle de nullité de la procédure. La chambre de l’instruction de la cour d’appel était également saisie d’une deuxième irrégularité: les avocats d’Abou Zayed avaient, en effet, demandé la nullité de la mise en examen de leur client pour «défaut d’indices graves ou concordants». Une demande rejetée, là aussi, mais qui aura retardé l’ouverture potentielle d’un procès.

L’affaire n’en est malheureusement plus à quelques semaines près. La mort et le temps ont fait leur œuvre. Le restaurant de Jo Goldenberg a fermé en 2006 et son propriétaire est décédé en 2014, à 91 ans. Une plaque rappelle aux passants le carnage d’un jour d’été. Ce 9 août 1982, vers 13 h 15, plusieurs hommes surgissent, lancent une grenade et tirent à l’arme automatique contre clients et employés, traqués jusque dans les cuisines. Une seconde grenade est jetée et les tueurs s’enfuient à pied en mitraillant la foule. On déplore six morts: Mohamed Benemmou, salarié du restaurant, un cousin de Jo Goldenberg, André Hezkia Niego, deux Américaines, Grace Cutler et Ann Van Zanten, mère d’une fillette de 3 ans, ainsi que Denise Guerche Rossignol et un pasteur évangélique de la communauté tsigane, Georges Demeter. 22 personnes sont blessées, dont des employés du restaurant, le mari d’Ann Van Zanten et une autre citoyenne américaine.

L’œuvre du groupe Abou Nidal

Le 17 août, François Mitterrand affirme: «Ce qui compte, c’est la volonté de faire reculer le terrorisme partout où il se terre, de le traquer jusqu’à la racine.» Et il lance la cellule antiterroriste de l’Élysée, qui amène au fiasco des Irlandais de Vincennes, faussement accusés. Quant à l’enquête, la vraie, elle démarre dans une France sans magistrats ni parquet antiterroristes. Le juge Jean-Louis Bruguière est chargé du dossier. Il ne va pas tarder à faire parler de lui avec l’aide de la brigade criminelle et de la DST. Comme pour la rue Copernic en 1980, les terroristes sont venus du Proche-Orient. Des douilles et deux chargeurs sont retrouvés ainsi que des éléments de grenade de fabrication soviétique. Les armes sont des pistolets-mitrailleurs polonais WZ 63, dont un exemplaire est retrouvé abandonné.

Des rapprochements sont faits avec d’autres attentats (comme ceux contre une synagogue à Bruxelles en septembre 1982 et à Rome en octobre). Bruguière et les enquêteurs en sont convaincus: le massacre est l’œuvre du Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR), groupe dissident et ennemi de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Plus connu sous le nom de groupe Abou Nidal (du nom de guerre de son fondateur, Sabri al-Banna) et soutenu par l’Irak, la Syrie ou encore la Libye, il commet une centaine d’attentats dans les années 1970 et 1980 et tue plus de 300 personnes. Au passage, le juge Bruguière n’hésite pas à faire pression, très diplomatiquement mais en pleine guerre froide, sur l’ambassadeur de Pologne en France et obtient, en 1983, l’aveu que les WZ 63 provenaient des arsenaux militaires polonais et ont été officiellement «perdus»…

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