Une pièce que l’Observatoire Juif de France vous conseille d’aller voir Sami Frey implacable : une lecture choc et journalistique sur les camps nazis

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Sami Frey implacable : une lecture choc et journalistique sur les camps nazis.

Paris Match ||Mis à jour le 

L'affiche de la pièce «Un vivant qui passe», avec Sami Frey.

L’affiche de la pièce «Un vivant qui passe», avec Sami Frey.Théâtre de l’Atelier

Sami Frey est sur la scène du théâtre de l’Atelier pour la pièce «Un vivant qui passe».

De Sami Frey, on connaît la beauté, la discrétion, la voix. Il n’a pas changé, longues mèches poivre et sel, silhouette fine. On connaît moins son engagement. Ici, c’est visiblement ce qui l’a poussé à endosser ce rôle sur scène. L’incroyable passivité de la Croix Rouge et des Alliés devant l’extermination des juifs. «Un vivant qui passe» est l’interview menée par Claude Lanzmann (l’auteur de la trilogie télé sur la Shoah) face à un inspecteur suisse du CICR (Comité international de la Croix Rouge).

Il faut savoir que certains camps d’extermination (Auschwitz) et de concentration (Theresienstadt) ont reçu en effet la visite de ce Maurice Rossel, délégué de la Croix Rouge. Sa crédulité n’ayant d’égal que son sens poussé de la diplomatie, il dit n’avoir rien soupçonné, rien vu.

A Auschwitz, Rossel a «parlé avec le directeur du camp comme entre gens de bonne éducation». A Theresienstadt, il a vu « des juifs VIP qui avaient sans doute payé pour vivre dans ce ghetto dans de meilleures conditions ». Voilà, en gros, l’inimaginable réaction d’une institution censée dénoncer et secourir les prisonniers, les persécutés, les victimes de guerre. Mais la consigne de «ne pas aller à l’affrontement avec les Allemands» a fini par escamoter l’élimination méthodique de millions de citoyens.

La stupeur du journaliste face au ton badin et cruellement lucide du délégué

Assis à une table, éclairé de biais par une lampe de bureau, Sami Frey incarne les deux personnages, Lanzmann et Rossel. D’une voix douce, ultra-calme, il traduit à la perfection la stupeur du journaliste face au ton badin et cruellement lucide du délégué. «Comment pouvais-je imaginer ?» Rossel avait 27 ans en cette année 1944, il a été – facilement ?- abusé par les nazis. Le talent de l’acteur est justement dans cette alternance de ton : le journaliste qui ne lâche rien, lui demande des détails, mais sans l’agresser. Et Rossel fidèle à ce ton aimable qui a dû désarmer les pires tortionnaires.

Sami Frey s’interdit le moindre effet. Mais il réussit à nous clouer au fauteuil.

Le spectacle ne dure qu’une heure et quart, et l’acteur –visiblement peu porté sur les applaudissements- ne daigne pas répondre aux rappels. On n’est plus dans la légèreté ironique de «Je me souviens» de Georges Perec qu’il avait si souvent joué, juché sur une bicyclette. A 84 ans, cette grande figure du théâtre et du cinéma d’auteur ne veut pas qu’on oublie l’essentiel. Ses parents juifs polonais sont morts en déportation, et lui, enfant, a dû se cacher. Le rideau de fer tombe sur sa prestation, comme une allégorie de l’impitoyable solution finale.
Source ; parismatch
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