« L’islam de Sayyid Qutb » : un combat total contre les juifs, les chrétiens et les athées

Manifestation de Frères musulmans et de partisans du président déchu Mohamed Morsi, Le Caire, nov 2013

Le Monde » du 9 janvier 2022 réhabilite le théoricien du Djihad, l’inspirateur d’Al Qaïda et de l’assassin de Sadate et des multiples attentats qui ont endeuillé le continent européen.

Sayyid Qutb visait à remplacer la domination occidentale par celle de l’Islam.

L’auteur de l’article, l’islamologue Olivier Carré a prétendu que :

« dans la vision de Qutb de l’erreur générale (jâhiliyya) au sein même des sociétés musulmanes, le combat principal n’est pas contre les minorités locales chrétiennes ou juivesi».

C’est comme si on disait que le combat principal d’Hitler n’était pas la destruction des Juifs et qu’il avait d’autres combats plus importants. Une autre façon de minimiser la Shoah.

Qui était Sayyid Qutb (1906-1966) ?

Dès 1942, Sayid Qutb commença à écrire dans « Al Taj al Masri » (La Couronne égyptienne), magazine maçonnique, organe de la Grande Loge Maçonnique Égyptienne. Sur la première page du journal il est inscrit :

« Édité par les Francs-Maçons Hauts Gradés ». Qutb y écrivit l’éditorial d’ouverture « Pourquoi suis-je franc-maçon ? J’ai senti que dans la franc-maçonnerie, il y avait un remède pour les blessures de l’humanité, j’ai frappé aux portes de la franc-maçonnerie afin de me nourrir l’âme de la philosophie et la sagesse… Et afin d’être un moudjahid (combattant) aux côtés des moudjahidines et que j’œuvre aux côtés de ceux qui travaillent…».

Pour l’ancien Grand Maître du Grand Orient Arabe Œcuménique, Jean-Marc Aractingi, qu’il soit appelé à écrire cet éditorial signifiait qu’il était parmi les plus hauts gradés de la franc-maçonnerie égyptienne !

La franc-maçonnerie égyptienne luttait à l’époque contre le colonialisme anglais, avec des leaders comme Jamal el Din el Afghani appelé « le savantissime ». Il est l’un des penseurs les plus importants de l’Islam du 19ᵉ siècle ; Mohamed Abuh, grand mufti d’Égypte, fondateur du Mouvement pour le Modernisme Islamique ; ou Abd al-Rahman al-Kawakibi, nationaliste arabe qui prônait la liberté de conscience et l’abolition de la supériorité de la religion sur la politique avec l’instauration d’un régime constitutionnel. Humanistes, ils s’adressaient aussi bien aux musulmans qu’aux chrétiens et aux juifs arabes.

Instituteur de profession, Sayyid Qutb fut envoyé en 1949, en voyage d’études sur l’éducation aux États-Unis. Son frère affirme que le gouvernement voulait l’éloigner à cause de ses écrits trop radicaux. Ce qu’il a vu aux États-Unis a provoqué, chez ce musulman, un rejet violent de la société occidentale. À son retour en 1951, il a abandonné la franc-maçonnerie et s’est engagé aux côtés des Frères Musulmans dont il devint l’idéologue en développant la notion de « hakimiyya » ou souveraineté exclusive de Dieu sur toute chose, en particulier dans le domaine politique.

Son œuvre est monumentale, il a publié 30 volumes dont « à l’ombre du Coran » et « Jalons sur la route » publiés en France, qui sont l’équivalent du « Mein Kampf » arabe, plusieurs d’entre eux décrivent le djihadisme comme une obligation religieuse. Il place la violence au cœur de sa stratégie. Traduit en persan par l’ayatollah et guide suprême Ali Khamenei, les idées de Sayyid Qutb se retrouvent dans les fondements de la Révolution islamique d’Iran.

Sayyid Qutb insiste dans ses écrits sur le rejet de la jahiliyaii, le monde pré-islamique, et appelle – concept salafiste –, à la guerre civile contre les gouvernements impies qui n’obéissent plus aux vraies lois de l’islam. Il faut non seulement protéger la communauté contre les non-musulmans (les athées, les croisés, les sionistes), mais il faut avant tout lutter contre les mauvais musulmans. Il a influencé les islamistes dans un sens anti-moderniste, anti-occidental et antisémite.

Les idées subversives de Qutb et son influence l’ont rendu dangereux pour le régime de Nasser. Il fut accusé d’avoir participé à un attentat contre le Raïs, le chef de l’État, puis d’avoir constitué un groupe armé, ce qu’il a toujours nié. Il fut condamné à mort et pendu le 29 août 1966, dans une prison du Caire.

Les conceptions de Sayyid Qutb se sont répandues dans le monde islamique. D’al Qaïda en Afghanistan, à Daech en Irak et Syrie, et Boko Haram en Afrique de l’Ouest, en passant par le Front Islamique du Salut en Algérie et les Frères Musulmans partout dans le monde. Il est leur référence intellectuelle. Les terroristes de ces mouvements ont importé les théories de Qutb en Occident. En France, elles sont à l’origine des attentats du Bataclan, de Nice, et de beaucoup d’autres.

Comment un intellectuel français peut-il aujourd’hui écrire un article pour réhabiliter ce théoricien du Djihad ?

Comment un journal comme « Le Monde » peut-il le publier ?

Coïncidence ? Au même moment, le président Macron accorde l’asile politique à Ramy Shaath1, accusé par l’Égypte de terrorisme en lien avec les Frères Musulmans. L’asile politique implique normalement que l’on cesse en France ses activités subversives mais Ramy Shaath a publiquement déclaré qu’il les poursuivra. Cela n’est pas sans rappeler Amine el Husseini, accueilli par le président de Gaulle, ou Khomeini par le président Giscard d’Estaing, sous des prétextes humanitaires fallacieux. Ces réfugiés n’ont jamais cessé leurs activités subversives et sont responsables de dictatures et de guerres qui ont déstabilisé le Moyen Orient sans que la France n’y trouve, contrairement à ce qu’elle espérait, le moindre avantage.

On dit que l’histoire bégaie parfois, et avec elle « le Monde » qui s’appelait en 1940 « le Temps », organe officieux du Quai d’Orsay. Reviendrait-il à ses origines, sa jâhiliyya, le temps d’avant ? KF

 

Klod Frydman, MABATIM.INFO


1 Ramy Shaat : voir Emmanuel Macron, Ramy Shaath, la présidentielle, et l’avenir de la France
et Un terroriste égyptien reçu en fanfare par Macron

i Jstor – « Juifs et Chrétiens dans la société islamique idéale d’après Sayyid Qubt » : Le maître à penser des Frères Musulmans radicaux d’aujourd’hui. Par Olivier Carré. Revue des Sciences philosophiques et théologiques.

ii Dans Signes de piste, Sayyid Qutb a écrit « les musulmans sont aujourd’hui plus ignorants que les Arabes de la jâhiliyya » : la société musulmane se divise en une minorité de vrais croyants (oumma) et une vaste majorité plongée dans l’ignorance et l’égarement, nouvelle forme de la jâhilîya, sous l’influence de l’Occident et des dirigeants musulmans corrompus. Ce qui justifie l’usage de la violence.