Edith Ochs. Pourquoi Zemmour, demandez-vous ? Après l’affaire Sarah Halimi, l’insulte faite aux enfants morts d’Ozar Hatorah – Tribune Juive

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Pourquoi Zemmour, demandez-vous ? Après l’affaire Sarah Halimi, l’insulte faite aux enfants morts d’Ozar Hatorah

Est-ce à cause des élections que les choses ont pris une tournure déplaisante lors de la commémoration de la tuerie antisémite à l’Hyper Cacher ? Les crimes antisémites semblent avoir du mal à échapper à l’intrusion du politique.

C’était porte de Vincennes, dimanche dernier. Une cérémonie se tenait à la mémoire des 4 victimes du 9 janvier 2015 : Yohan Cohen, 20 ans, Yoav Hattab, 21 ans, Philippe Braham, 45, et Jean-Michel Saada, 63 ans. Deux jours plus tôt, le carnage à Charlie Hebdo avait donné lieu à une autre cérémonie, avec lecture des noms et dépôt de gerbes, rue Nicolas Appert. Entre des deux dates, la policière Clarisse Jean-Philippe avait été abattue devant une école juive de Montrouge.

Sur une longue table tendue de bleu dressée devant le magasin, on avait déposé les portraits des victimes face à la foule, et devant chaque image, une bougie dans un photophore. La dernière image représentait les bouilles des petites victimes d’Ozar Hatorah : Arie, 6 ans, Gabriel 3 ans, et Myriam Monsonego, 8 ans, et Jonathan Sandler, le jeune père.

Pourtant, aucun membre de la famille Sandler n’était présent, apparemment. Il y a 3 mois, les propos d’Eric Zemmour concernant les victimes de Merah avaient suscité la colère. M. Samuel Sandler, père et grand-père, lui avait répliqué dans Le Monde, avec, comme toujours, une dignité exemplaire.

Les élections approchent, et il semble écrit dans notre époque que les Juifs victimes de crimes antisémites, des « crimes de haine » comme on dit en anglais, doivent en plus apporter aux politiques des gages de leur non-désamour.

L’honneur d’allumer les bougies

La voix du chanteur Renaud annonce le début de la cérémonie : « C’était un petit endroit pépère, Tout près du métro Saint-Mandé… » On aurait pu le prendre un instant pour Francis Lemarque. La cérémonie associait aussi un hommage à « toutes les victimes du terrorisme islamiste dans le monde ». « C’était l’enfer, C’était l’enfer, » poursuit la chanson.

Elle avait lieu en présence de nombreux ministres et d’élus. Elle devait être sobre, pas de discours. Il faisait froid et derrière le masque, difficile parfois de reconnaître les personnalités, mais un des organisateurs tenait le micro pour éclairer la petite foule. Avec les élus de la République drapés de leur écharpe, les membres du gouvernement étaient venus en nombre.

Il y avait 11 bougies, et ces personnalités ont eu l’honneur d’accompagner les proches. Les 4 premières furent allumées au nom des victimes de Coulibaly. A chaque fois, deux membres de la famille étaient accompagnés par un ministre ou un secrétaire d’Etat, et l’allumage était suivi d’une minute de silence respectueuse. Les parents, les sœurs ou les enfants du mort — à quoi bon parler de « victimes » ici ? — ont appris à maîtriser leur émotion.

Puis une bougie fut allumée pour Charlie Hebdo par Marika Bret et Riss assistés par Anne Hidalgo. Manuel Valls alluma celle au nom d’Arnaud Beltrame, et Jean-Michel Blanquer celle de Samuel Paty.

La septième, qui associait Sarah Halimi et Mireille Knoll, les deux femmes juives massacrées dans leur lit à Paris, à un an d’intervalle, fut allumée par les fils de cette dernière. Ils étaient escortés par Meyer Habib qui représentait le combat judiciaire pour la vérité dans l’affaire Sarah Halimi.

Les deux bougies suivantes illustraient les effets du terrorisme dans le monde : d’abord deux jeunes Israéliens, victimes du terrorisme islamiste en Judée Samarie en décembre 2021, puis une autre pour le maréchal des logis de la Force Barkhane tombé en octobre dernier au Mali.

La 11e bougie

La vraie surprise, ce fut quand Me Dupond-Moretti, suivi par Francis Khalifat, président du CRIF, s’avança d’un pas ferme pour allumer la dernière bougie posée devant la photo des enfants Arie, Gabriel et Myriam, et de Jonathan Sandler, « victimes du terrorisme islamiste », comme ce fut annoncé, il y aura 10 ans en mars.

En vieil habitué, le ministre de la Justice a allumé la flamme, s’est penché aussitôt à l’oreille de son voisin qui a opiné du chef, a croisé confortablement les mains sur son ventre, s’est incliné modérément et est reparti sans traîner, Khalifat sur les talons.

Service accompli.

Le culot d’un ministre, l’impudeur d’un homme

Camus disait, dans Le premier homme : « Un homme, ça s’empêche. » On attend d’un homme qu’il sache faire preuve de dignité et de respect sans céder à ses fantaisies. Faudrait-il croire que la formule ne s’applique pas à l’homme politique ? Celui-ci est-il à ce point un animal différent ?

Me Dupond-Moretti fut, on s’en souvient, le défenseur en 2019 d’Abdelkader Merah, le frère de l’assassin des enfants de l’école Ozar Hatorah.

Inutile d’évoquer ici les propos que l’avocat a tenus au cours du procès — Sarah Cattan les rappelait il y a quelques jours — mais comment les Institutions juives de notre pays ont-elles pu les oublier et se prêter à cette nouvelle mascarade ? 

Encore une fois, la proximité des élections brouille tragiquement les cartes, ainsi que la vue des édiles juifs. Au lieu de regarder devant, ou vers le haut, qu’ils regardent un peu à leurs pieds, ce petit peuple dont ils sont les élus… ou devraient l’être. Nul ne peut tolérer longtemps de se sentir dans une situation sans issue.

Après l’affaire Sarah Halimi, où la police et la justice ont pour le moins « dysfonctionné », le ministre de la Justice insulte une nouvelle fois les proches des victimes d’Ozar Hatorah qui ont subi ses affronts pendant le procès.

Alors si quelqu’un vous demande : pourquoi Zemmour ? au lieu de hurler au loup, posez-vous sincèrement la question. Car ça crève les yeux.

© Edith Ochs

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Edith-Image-3-ConvertImage-1564326678-200x200-1-1.jpg.

Edith est journaliste et se consacre plus particulièrement, depuis quelques années, aux questions touchant à l’antisémitisme. Blogueuse au Huffington Post et collaboratrice à Causeur, Edith est également auteur, ayant écrit notamment (avec Bernard Nantet) “Les Falasha, la tribu retrouvée” ( Payot, et en Poche) et “Les Fils de la sagesse – les Ismaéliens et l’Aga Khan” (Lattès, épuisé), traductrice (près de 200 romans traduits de l’anglais) et a contribué, entre autres, au Dictionnaire des Femmes et au Dictionnaire des intellectuels juifs depuis 1945.

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